C’était deux frères aux destinées incomparables. l’un était pâtissier, l’autre magicien. Ils vivaient dans un modeste village à l’abri des paillettes et des tapis rouge. Le premier se contentait de peu, le deuxième était rongé par l’insatisfaction.
Mécontent, il quitta son village pour devenir le magicien le plus reconnu du pays. Après mille et une craintes, privations et sacrifices, il réalisa enfin son rêve.
Hélas ! Cela ne put suffire à combler la vacuité de son âme.
Il partit alors séduire sa future âme sœur dans les soirées branchées de la capitale. Le voici marié à une déesse parmi les femmes.
Malgré toutes ces réjouissances, le bonheur n’était toujours pas au rendez-vous.
Le couple céleste déménagea alors dans un splendide manoir et mit au monde sept merveilles qui furent éduqués dans des conditions royales.
Pauvre magicien… Il avait beau gravir les sommets les plus élevés de l’humanité, il ne pouvait échapper à cette sournoise insatiabilité.
Désespéré, il revint aux sources et reprit contact avec son frère bienheureux. En guise de retrouvailles, ce dernier avait préparé une tarte aux citrons qu’ils partagèrent au café du village. Après quelques discussions stériles, ils en vinrent à l’essentiel :
« Mon tendre frère, j’ai un meilleur métier, une plus belle femme et une plus grande famille que toi. Pourtant, de nous deux, c’est toi le plus heureux. Comment fais-tu ? Quand pourrais-je enfin goûter au bonheur ? »
Le pâtissier s’essuya les babines avec sa serviette, et déclara ceci :
« Tu sera heureux quand tu cessera de désirer autre chose que cette tarte aux citrons. »
Ils firent silence, et le magicien repris une part de tarte qu’il s’efforçât de savourer pleinement.
Il avait là le pressentiment d’apprendre le seul tour de magie qui échappait à sa virtuosité : le bonheur.