» Que ta parole soit impeccable « énonce le 1er accord toltèque. Vaste programme ! Etymologiquement, impeccable signifie » qui ne pèche pas « .
Pour don Miguel Ruiz, on pèche lorsqu’on commet quelque chose contre soi-même. Une parole impeccable est donc une parole qui ne nous nuit pas. Ce qui signifie non seulement s’abstenir de se juger, de se critiquer, de répéter à son encontre les propos désobligeants d’autrui, de nettoyer son langage des termes et expressions négatifs (ex : » Ça me tue « , » J’en ai plein le dos « , ou même » C’est trop bien » [pourquoi trop ?], etc.), mais d’éviter aussi tout usage de la parole qui nuise à autrui : médisance, jugement, critique, calomnie, etc. Pourquoi ? Parce que tôt ou tard ces paroles – même dites en toute discrétion – atteignent leur cible puis nous reviennent, comme l’écrivait brillamment V. Hugo dans son célèbre poème » Le mot « .
La parole est une énergie : elle ne reste jamais sans effet. Le monde, comme l’énonce le prologue de l’évangile de St Jean, a été créé par le Verbe. Et l’homme aussi est créateur par sa parole, en bien comme en mal (ex : déclaration d’amour ou de guerre). C’est donc un choix qu’il appartient à chacun de faire un jour, de décider d’utiliser sa parole seulement pour le bien. Cela demande toutefois un effort soutenu, comme celui requis pour maîtriser le maniement d’une épée ou d’un sabre. » C’est l’accord le plus important et le plus difficile à honorer » affirme don Miguel, pour qui ce seul accord conclu avec soi-même permet de transcender sa vie actuelle et de connaître le paradis sur terre.
Incidemment, le grand guérisseur du début du 20e, Maître Philippe de Lyon, demandait pour seul paiement de ses guérisons miraculeuses que leurs bénéficiaires ne disent pas de mal d’autrui durant une heure, un jour, une semaine, selon les cas : c’est dire l’importance qu’il attachait à ne pas médire. La médisance, en effet, est un poison émotionnel et relationnel : elle salit, elle pollue, elle détruit. Tout comme nos ordinateurs sont désormais équipés de logiciels anti-virus, nous gagnerions à nous équiper intérieurement d’un » détecteur de médisance « , pour ne plus en être les complices et les propagateurs même inconscients, car les dégâts de cette parole mauvaise, dans le corps social, sont comparables à ceux des virus informatiques dans les réseaux. Jésus affirmait que ce n’est pas ce qui entre dans la bouche d’un homme qui le souille mais ce qui en sort. Refuser de propager des rumeurs ou de médire, c’est faire de l’écologie de la parole : ne pas polluer autrui ni soi-même avec les mots, mais au contraire contribuer par sa parole à créer un monde meilleur.
Conseil de Miguel Ruiz à ceux qui veulent conclure cet accord : il faut être patient avec soi-même. On n’acquiert pas une parole impeccable du jour au lendemain, d’autant que tout nous pousse dans l’autre sens. Rien ne sert donc de se juger si l’on rompt cet accord par mégarde : comme l’enfant qui apprend à marcher et tombe, il suffit de se relever et de recommencer. Avec l’expérience, on perçoit vite les améliorations qu’induisent dans notre vie une parole saine : on se sent tellement mieux vis-à-vis de soi-même et nos relations à autrui gagnent en clarté et en force. La motivation à maintenir cet accord, coûte que coûte, s’en trouve ainsi de plus en plus accrue.
Olivier Clerc