Je vous donne

Il était une fois une petite fille qui vivait dans une grande ville. Chaque jour, elle se rendait au centre de cette ville pour y caresser son rêve : « Monter sur le toit du magnifique gratte-ciel de 77 étages qui se dressait fièrement dans toute sa hauteur ».
Chaque matin, chemin faisant pour se rendre à l’école, elle passait devant le gigantesque édifice et s’arrêtait pour s’imaginer, tout là-haut, au-dessus de cette ville, de ses petites amies et de la vie quotidienne. Dans son cœur d’enfant régnait une paix incommensurable chaque fois qu’elle fermait les yeux pour s’imaginer la perspective du monde, vu de ce point si élevé pour elle.
Un jour où elle répète son rituel matinal, voilà qu’elle ressent une présence derrière elle. Un homme est penché au-dessus de son épaule, s’étant placé à sa hauteur pour tenter de voir ce qu’elle regarde avec tant de passion et d’espoir. Brusquement, elle se retourne pour lui demander :
– Qu’est-ce que vous faites ? Qui êtes-vous ?
– J’essaie de voir ce que tu regardes avec autant d’émerveillement.
– Pourquoi vous le dirais-je…?
– Parce que je suis un ange… ton ange… et que je suis là pour t’aider à réaliser tes rêves…
– Tu ne peux pas être un ange, tu n’as pas d’ailes.
– Oh, mes ailes ? Voilà, je suis parti un peu en vitesse ce matin et je les ai oubliées sur mon lit.
Elle demeure sceptique, le scrutant de la tête au pied, tentant de dénicher chez lui quelque chose de louche qui pourrait lui permettre de lui fermer la porte. Rien ne cloche, il est beau et il émane de lui une puissante énergie de confiance et d’Amour gratuit… Alors elle risque une seconde question :
– Elle est où ta maison ?
– Ça, je ne peux pas te le dire maintenant, un jour peut-être, mais ce n’est pas important pour l’instant…
Elle gratte son petit crâne, se demandant si elle doit confier son précieux secret à cet ange sortit de nulle part. « Et puis après… se dit-elle, il ne peut pas me faire de mal ». Elle plonge alors dans la confidence, et tout en fixant le toit de l’édifice, elle lui explique que son rêve est d’atteindre ce sommet pour y voir la Vie de plus haut. À peine a-t-elle fini d’ouvrir son cœur à cet étrange personnage, qu’elle se retourne pour réaliser qu’il n’est plus là.
« Zut ! se dit-elle, je l’ai ennuyé. Alors tant pis ».

je vous donne

Au bout de sa réflexion, elle le voit réapparaître, tenant sous son bras une échelle immense, en Or massif.
« Ouf ! il fallait bien être un ange pour transporter ce gigantesque escalier » se dit elle.
Il appuie doucement l’échelle sur le bâtiment et lui demande avec un sourire inquisiteur :
– Tu es prête ?
– Non, mais ça ne va pas ? lui lance-t-elle… Je ne suis pas capable de monter toutes ces marches, c’est beaucoup trop espacé pour une petite fille comme moi !
– Elle a été conçue pour Toi, sur mesure. Et, de plus, je serai là pour Toi, pour T’accompagner tout au long de ton ascension. Je tiendrai l’échelle afin que tu te sentes en sécurité, sans relâche, tu peux me faire confiance !
– Et si je paralyse au beau milieu, terrorisée par un vertige insurmontable. Que ferais-je ? Pourrais-je te crier à l’aide ? Monteras-tu pour me propulser vers le haut, pour me sauver ?
– Lorsque tu seras au beau milieu de ta montée, tu ne me verras plus, et pourtant, je serai là… Tu ne m’entendras plus et j’aurai peine à t’entendre aussi. Tu devras faire confiance… Ne regarde pas en bas, ni en arrière… Conserve bien ton énergie pour aller de l’avant… Fais confiance et n’oublie pas que « L’Échelle d’Or » est faite pour Toi sur mesure, accroche-toi petite… Ton rêve est au bout de cette échelle !
Une chance inouïe lui est offerte pour enfin réaliser son rêve le plus cher. Le risque est grand… tomber et mourir… mais ne pas vivre l’expérience pour elle représente aussi une forme de mort. De son cœur d’enfant émerge une énergie de courage. Spontanément, elle saute au cou de l’ange en le regardant droit dans les yeux.
– J’y vais… je compte sur Toi… ne me laisse pas tomber, d’accord ? Car si je tombe, jamais plus je ne pourrai te confier un secret.
Il ferme les yeux, souriant. Il lui dit :
– Merci !
– Mais pourquoi me remercies-tu ?
– Un jour, tu comprendras mon ange… va… monte!
De pied ferme, elle attaque la première marche. Candidement, elle se met à courir sur chaque barreau que l’échelle lui présente. L’Ange s’écrie :
– Oh là, doucement ! Ne t’affole pas, il te reste plus de 700 autres barreaux à franchir. Ménage tes énergies, car plus tu monteras, plus ce sera difficile pour Toi !
Elle ferme les yeux pour cacher son impatience devant cet ange qui tente de lui montrer comme faire. Mais tout de même, elle ralentit son pas ardent, elle se dit qu’elle peut y arriver. Les 250 premières marches se franchissent avec une certaine aisance, malgré une inquiétude qui prend de plus en plus de place. Se retournant pour voir si l’ange est toujours là, elle jouit de son regard confiant et de la chaleur de sa compassion. Encouragée, elle poursuit son ascension.
Plus elle monte, plus l’air est froid et la terre lointaine. Elle se met à trembler. À nouveau, elle sent le besoin de vérifier la fidélité de l’ange. Tout ce qu’elle peut apercevoir est le dessus de sa tête. Je vais bien, lui dit-elle, essayant de s’en convaincre elle-même. Sans réponse, elle s’arrête pour mieux respirer et ses petits membres commencent à trembler. Elle approche de la moitié de son trajet et s’aperçoit qu’elle n’a plus aucun point de repère avec l’ange.
– Voilà, ça y est, se dit-elle. Je Suis seule. Ne regarde pas en bas, ni en arrière, se répète-t-elle.
L’inévitable vertige se fait sentir dans toutes les cellules de son corps. Elle fait une pause.
-Redescendre est aussi dangereux que de poursuivre mon ascension.
– Regarde toujours vers l’avant, se rappelle-t-elle.
Chaque pas devient un effort incroyable. Elle répète comme un mantra :
– Courage et Foi, je dois y croire.
D’en bas, l’ange peut capter toutes les vibrations de l’enfant à travers les deux barres verticales de l’échelle. De son côté, il lui renvoie de son mieux tout l’énergie de Lumière nécessaire pour qu’elle ressente sa présence et son soutien. Le vent commence à s’élever et le soleil qui avait réchauffé l’enfant jusque-là, est bientôt caché par les nuages. La peur s’empare tout à coup de son petit cœur… elle paralyse…
-L’ange, où es-tu ? J’ai peur, j’ai froid, je ne peux plus continuer !
Rien ! De fatigue, elle pose sa tête sur le barreau à venir. À travers ses larmes, elle entend une voix qui n’est pas la voix de l’ange. Une voix très chaude, très caressante.
– Je suis là… Accroche-toi à moi… ne te crispe pas… fais confiance…
À travers ses sanglots, elle parvient à demander :
– Qui es-tu ?
– Ton échelle, le créateur de ton rêve… ouvre les yeux et regarde bien dans la barre d’or que tu tiens entre tes petites mains crispées, qu’est-ce que tu vois ?
– Moi… mon visage !
– Alors tu vois. Toi et moi nous sommes UN, je suis ce que les gens de la terre appellent Dieu. Je suis l’échelle d’or massif sur laquelle tu peux toujours compter. Je ne te laisserai jamais tomber. Tiens bon, quoiqu’il advienne, tu peux toujours t’appuyer sur moi. Vas à ton rythme pour parvenir au bout de ton ascension, cela ne m’importe point. Je suis là pour Toi sans condition, je t’aime. Ni le vent, ni le froid, ni la noirceur ne peuvent nous séparer. Repose ta tête sur moi et laisse-moi te porter jusqu’à ton rêve le plus haut. Je peux contenir pour Toi autant de marches que tu le désires. Je T’aime.
L’enfant réalise soudainement qu’elle tient l’échelle si fort que ses petites mains en deviennent bleues. Elle s’aperçoit qu’à tant forcer, elle est devenue comme un conduit bouché, que tout l’énergie du bas ne lui parvient plus. Elle relâche doucement, en se disant qu’elle n’est jamais seule… son échelle dorée la portera jusqu’au sommet.
Les 330 dernières marches sont dès lors plus douces et plus aisées à franchir. Elle a acquis la connaissance. La rencontre de l’Esprit en elle. Au-delà de la fatigue morale et physique, son petit cœur d’enfant a pris contact avec l’Intelligence Divine. Maintenant, ce qui la pousse à se dépasser est simple, « DEVENIR L’ANGE » pour un jour tenir l’échelle d’une petite fille à la poursuite de son rêve.
Du haut de son échelle, l’enfant goûte l’air pur et la vision lointaine de la ville. Ses petits bras ouverts comme des ailes, elle tourbillonne sur le toit de l’immeuble, savourant l’ivresse des hauteurs, la joie d’être si près du ciel. Une pensée lui vient soudainement : « Où est l’ange ? » se questionne-t-elle. Elle scrute les rues de la ville, se penche imprudemment pour peut-être l’apercevoir au bas de l’échelle. Rien.
– Peut-être m’a-t-il laissé tomber…
Elle attend, triste, un signe de sa présence.
Doucement, des ailes très grandes se dessinent sur le toit où elle est assise. C’est l’effet d’ombrage de l’ange derrière elle. Elle lui demande d’un ton légèrement réprobateur :
-Où étais-tu ?
– J’ai dû me rendre chez moi, pour récupérer mes ailes afin de venir te rejoindre.
– Et c’est où chez Toi ?
IL pose la petite main de l’enfant sur son cœur et dépose délicatement la sienne sur le cœur de la petite.
– Ma maison, c’est ici, dans ton cœur et toujours tu auras une place dans la demeure de mon cœur.
-Maintenant, viens avec moi, nous allons survoler la ville pour que tu découvres qu’au-delà même de l’échelle, Dieu t’a donné des ailes…
Ses yeux angéliques se posent doucement dans le regard de l’ange et elle voit que quelque chose en lui s’est transformé aussi…
– Je vais te dire ce que je vois avec mon cœur d’enfant… D’abord, tu m’as menti, tu n’avais pas oublié tes ailes chez toi. Tu les avais perdues.
L’ange baisse humblement la tête, admettant ainsi son mensonge.
– Aussi, tu les as récupérées en me donnant confiance en moi, en m’appuyant jusqu’au bout de mon rêve. En me donnant mes ailes, tu as retrouvé les tiennes. C’est merveilleux ! Je Suis heureuse d’avoir été ton ange… Allez, viens, allons distribuer des ailes !

Marjolaine Caron

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