Si Dieu est aussi puissant qu’on le dit, il n’a certainement pas besoin qu’on se batte pour lui. Et ceux qui pensent encore que guerroyer pour Dieu est un signe d’héroïsme feraient mieux de vaincre leurs désirs avec la même ardeur. La sérénité demande parfois plus de courage que le combat le plus passionné…
Un soufi avait participé à quatre-vingt-dix guerres, le corps nu, sans protection aucune, espérant trouver la mort au service de Dieu. Il avait reçu de multiples sévices, coups de lance, coups d’épée, flèches, mais aucune blessure ne l’avait touché à un endroit vital.
« N’ayant pu goûter au bonheur du martyre, raconte-t-il, je me suis retiré dans une cellule, seul. Un jour, j’entendis le bruit des tambours : les soldats repartaient en guerre. J’ai senti comme une exaltation de tout mon être : « Lève-toi, voici le moment venu de combattre. Réalise ton vœu de devenir un martyre dans la guerre. »
Mais son âme lui répondit :
— Que caches-tu derrière cette ruse ô ego versatile ? C’est parce que tu crains plus que tout les exigences de l’ascétisme et les affres des austérités que tu cherches à mourir au combat !
— Ici, nul n’a connaissance des épreuves et des défaites que tu me fais subir, ô mon âme, reprit mon ego. Si je pouvais mourir au combat, alors au moins tout le monde verrait qui je suis et me glorifierait.
— Pauvre ego ! lui répliqua mon âme. Non seulement tu vis dans l’hypocrisie et la calomnie, mais en plus tu veux mourir en eux. » »
C’est alors que ce soufi se promit de ne plus jamais quitter sa cellule :
« Quel autre triomphe chercherai-je que la victoire sur l’emprise de mes propres désirs, y compris ceux de changer le monde ou de le convertir. Essayer de me changer moi-même est le seul vrai combat. Et celui-ci ne fait de mal à personne. »
« La seule guerre qui soit sainte est la guerre contre soi-même, personne d’autre, » disait Cheikh Assam en écho à Bouddha : « Dans un combat on peut vaincre des milliers d’hommes ; qu’est-ce que cela en regard de celui qui se vainc lui-même ? Celui-là est le plus valeureux des conquérants. »