Désiré s’engagea dans une ferme pour garder les troupeaux. Le travail était plaisant, grand air, nourriture saine et bien le temps pour penser…
Au bout de trois étés, il décida de s’en aller. Son temps était venu de visiter le monde. Il demanda à son maître de lui donner ses gages.
Très avare, le fermier prit une bourse dans sa poche. Elle ne contenait que trois écus mais il estima que c’était suffisant pour un manant, un moins que rien. Désiré remercia et s’en alla, tout guilleret. C’était bien plus qu’il n’en avait espéré.
Il marcha pendant trois jours, faisant tinter ses écus, toute sa fortune. La route était belle, le temps clément et le voyage particulièrement agréable. Il arriva bientôt à un carrefour. Sous un arbre, se tenait assis un très vieil homme, sale, malpropre, crotté, les habits en haillons et les cheveux hirsutes. C’était un triste spectacle que ce vieillard. D’une voix chevrotante et mal assurée, il réussit à articuler quelques mots :
« Pour l’amour de Dieu, beau jeune homme, faites-moi la charité !
– Très volontiers, Grand-père. J’ai dans cette bourse trois écus. Je te les donne de bon cœur. Prends-les. J’ai bien encore trois années pour en gagner autant !
– Merci, mon fils. Dieu te le rendra mais avant de continuer ton chemin, pour te récompenser, je t’accorde trois souhaits. Demande ce que tu voudras et tu seras exaucé.
– Je voudrais un lance-pierres qui ne manque jamais son but, une guitare qui fait danser et la parole juste, celle qui permette qu’on ne puisse jamais rien me refuser. »
Le vieillard réalisa les vœux de Désiré qui repartit en direction du Sud, son fusil à la main et sa guitare dans le dos.
Sur la route, il dansait, il courait, il chantait. Il se sentait le plus heureux des hommes.
A la hauteur d’un petit bois, il s’arrêta à l’ombre d’un grand chêne pour se reposer. L’air était doux et un parfum de fleurs flottait en suspension. Il ne tarda pas à s’endormir. Soudain, il entendit une voix derrière lui qui disait :
« Comme j’aimerais posséder ce rossignol. Son chant est plus pur qu’une cascade. Je suis prêt à donner n’importe quoi pour l’obtenir ! »
Désiré reconnut la voix du maître qu’il venait de quitter quelques jours plus tôt. Il prit son lance-pierres et d’un geste assuré visa l’oiseau qui s’écroula dans un buisson d’églantiers et d’épines. L’avare y pénétra et Désiré prit sa guitare et se mit à jouer un air entraînant. Emporté par la musique magique, le maître se mit à danser, à bondir dans les épines qui le griffaient, l’entaillaient, le blessaient, déchiquetaient ses vêtements.
« Arrêt, arrête ! » cria le maître au jeune homme. « Je te donnerai cinq cent écus. Je t’en supplie arrête de jouer. »
Désiré s’interrompit. Le fermier sortit en sang du buisson et remit les cinq cent écus promis.
Mais l’homme au lieu de rentrer chez lui partit pour le bourg tout proche où il s’empressa de dénoncer Désiré à la justice.
Il ne fut pas long le temps avant que la maréchaussée ne prenne en chasse Désiré qui ne se doutait de rien. Il fut arrêté, amené chez les juges, condamné à être pendu le jour même au terme d’un procès sommaire.
La potence était déjà prête. Elle trônait déjà au centre de la grand-place du village. Le fermier, les juges et toute la population des environs se trouvaient réunis en cercle autour d’elle pour assister au spectacle.
Lorsque Désiré arriva, escorté de son bourreau, demanda :
« Puisque je vais mourir, accordez-moi une dernière faveur. Donnez-moi ma chère guitare pour que j’en joue une dernière fois !
– Ne le faites pas ! Ne le faites pas ! Ou liez-moi ! » s’écria la fermier.
C’était sans compter sur la parole juste. Les juges ne purent refuser ce dernier désir au condamné.
Dès les premières notes qui s’échappèrent de l’instrument, le fermier, les juges et le peuple se mirent à danser, tourner, sauter sans jamais s’arrêter. Ils étaient fatigués, lassés, exténués. Ils demandèrent grâce à Désiré lui promettant la vie sauve.
Le jeune homme s’interrompit et tous s’arrêtèrent.
Reprenant son lance-pierres et sa guitare, il descendit les marches du gibet et il s’en alla en direction du Sud… où il marche peut-être encore.
source : fée clochette
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